mardi 13 avril 2010

Episode 203


Sid

La communication. Tout se résume à la communication.

Comment prendre du sens à ce qui arrive ? Comment sortir de sa tête ? Comment concilier ses projets avec ceux des autres ?

Il est d’une logique absolue, après visionnage de l’épisode, que celui-ci s’ouvre sur un tchat, style MSN. Cassie est en Ecosse, Sid est resté à Bristol, mais le problème n’est pas là, ils cherchent à communiquer, à échanger, ne serait-ce que pour confondre leur sentiment l’un envers l’autre, pour aboutir à une succession de problèmes. Tout d’abord, c’est Cassie qui a du mal à trouver le déclenchement de la vidéo, puis qui ne sait pas que la caméra est branchée, avant d’arriver à un quiproquos fatal, puisque Cassie sera surprise en présence d’un homme à moitié nu dans le lit, mais qui en fait est homosexuel.

Tout est là : les problèmes de communication.
Il est normal que l’histoire relate alors les échanges frugaux et dévastateurs entre les parents de Sid. Ces derniers sont séparés, la mère de Sid préférant s’envoyer en l’air avec un allemand complètement passionné, tandis que son ex-mari tente d’apprendre l’indépendance. Mais aucun des deux ne veut mettre des mots sur la situation, son ambiguïté, et le premier à en pâtir, c’est Sid.
De même lorsque le grand-père arrive, c’est le mensonge qui prime. Cela entraînera une descente en flamme du père de Sid, dégradé, sans cesse rabaissé, exclu des plans d’héritage au mépris du bon sens. Mais Mark n’arrivera jamais à dire ce qu’il pense. Le résultat est immédiat : Mark ne fera que subir et n’obtiendra jamais ce qu’il veut. A commencer par la reconnaissance de sa femme.

Le manque de communication peut être dangereux puisque lorsque Sid retente de s’entretenir avec Cassie, cela finit en engueulade, l’un comme l’autre ne prenant pas le temps de s’expliquer, et préférant rester campé sur leur position.

Il n’y a que lorsque son amant débarque au cours d’une scène inattendue (il déboule en voiture et fracasse la carrosserie sur la façade de la maison) que Mark ose enfin se rebeller, il vire son père tyrannique de chez lui et prend enfin une initiative. On le retrouve apaisé, désireux de se relaxer sur le sofa, un verre de wisky à la main et une cigarette. C’est là que la communication va pouvoir s’instaurer avec son fils. Après que Sid lui fait justement remarquer que sa relation était un copié-collé de ce qu’il vivait avec son père, Mark lui promet que jamais il ne l’a dénigré et que jamais il ne l’abandonnera. Et il est normal que Sid lui dise alors merci. Car la communication, ce n’est pas que délivrer un message, c’est aussi écouter, et Sid avait besoin qu’on l’écoute au sujet des filles, lui a qui a l’impression qu’on ne l’écoute jamais.

Alors que l’on croit les choses arrangées, Skins est là pour rappeler la dure réalité des choses. Et c’est à partir de ce moment-là que la série anglaise surprend son monde et prouve qu’elle est définitvement sur un ton à part. Car la morale de toute cette histoire, ce n’est pas qu’il faut communiquer pour le plaisir de communiquer ou parce que c’est bien, c’est humaniste et qu’il faut le faire, mais pour une raison bien plus fondamentale encore : si on ne communique pas à temps, alors il se peut qu’on passe à côté de ce qu’on voulait dire. Car c’est bien beau de repousser les choses à plus tard, de se dire qu’on a besoin de temps pour réfléchir ou que les choses finiront par s’arranger, mais il faut lutter contre le temps. Et le temps passe vite.

Lorsque Sid se réveille le matin et qu’il cherche à obtenir du réseau pour son portable, se déplaçant dans toutes les pièces de la maison en caleçon, il finit par tomber sur son père, encore assis sur son sofa, tenant le verre de whisky à la main et une cigarette consumée de l’autre, et qui ne bouge pas, même quand on l’appelle. Son père est mort.

La scène est choc, elle est superbement filmé, plan par plan, un cadrage sur la main, un autre sur la cigarette, pas de cris, pas de mots, pas la peine d’en dire plus, on n’a tout compris, et c’est là que la réalité s’abat de toute sa force et sa cruauté : on n’a pas le temps, on n’a jamais le temps et toutes ces conneries de communications, tous ces malentendus, tous ces non-dits, tous ces oublis de dire « je t’aime », on les regrette amèrement, car le temps est plus fort que nous. C’est d’une puissance inouïe et Skins n’a pas eu besoin d’en faire davantage.

Complètement sonné et hagard, ne sachant quoi faire, Sid va aller automatiquement au lycée, comme un zombie, passant devant ses camarades, qui eux chipotent pour pas grand-chose, abordent tant de sujets superficiels, ou discutent justement du fait que Tony et Sid ne se parlent plus, s’installe en classe, n’écoute rien, reste bien après la sonnerie, et même lorsque Tony se décide à le rejoindre, il ne sait pas quoi dire, et se laisse entraîner à une soirée.

Durant ce concert (où on aura l’occasion de voir l’excellent groupe Crystal Castle), emporté par les lumières, les lasers, l’alcool, la foule qui bouge dans tous les sens, Sid restera planté là, subissant les affres de la superficialité, préférant s’abandonner dans un trip artificiel, supprimant tout effort de communication pour une intériorisation des plaisirs et une fausse communion. Ce n’est que lorsque Tony daignera s’approcher de lui, comprenant que quelque chose se passe de travers, que la communication va se rétablir. Et là, Sid va lâcher tout ce qu’il retenait jusque là. Les réticences cèdent et Sid dévoile tout, mais alors vraiment tout. La scène est poignante car Sid saute dans les bras de son meilleur ami, qui ne comprend pas grand-chose à la situation, le son est beaucoup trop fort pour qu’on puisse entendre quoique ce soit, mais on sent que Sid raconte, on le voit à sa façon de se blottir dans Tony, sa façon de le serrer dans ses bras. Ce passage est extraordinaire : on a l’impression qu’ils ne sont plus que deux sur Terre. Au milieu de ce brassage de vides, deux adolescents créent une connexion. Quelque chose de sincère, d’authentique, de triste mais d’intensément beau. C’est une des plus poignantes scènes de la série. Rien que voir les mains de Sid se crisper de plus en plus, sa tête qui se secoue sous les sanglots, son visage se contorsionner à mesure du chagrin qui explose, on ne peut rester indifférent et on a nous-même le cœur qui se serre, les larmes qui viennent aux yeux, on succombe face à cette détresse.

Après cela, lorsque Sid et Tony retourne à la maison pour retrouver le cadavre du père, et que les deux réalisent que Sid vient de se retrouver seul, lui pauvre adolescent paumé, crétin et encore puceau, il est tout à fait logique que l’épisode se termine par une communication renouée : Sid se décide à prendre une décision, sort son portable et prononce : « Maman ? ».

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