mardi 2 mars 2010

Episode 202



Sketch

Cet épisode est génial, complètement à part, véritable bijou d’excentricité et de tragique, chef d’œuvre barré et d’une cruauté époustouflante.
Il existe ici un mélange confondant la brutalité crue et sans détour avec une tendresse apitoyée infinie qui laisse sans voix et complètement secoué. Véritable flirt avec la folie, cette allégorie extrême et exagérée de l’adolescence et ses psychoses bouleverse et laisse un goût terriblement amer dans la bouche. C’est comme si on accédait à un envers du décor et que ce dernier n’était pas beau, mais alors pas beau du tout.

La petite Lucy (mais tout le monde l’appelle Sketch), dont on suit les divagations et les obsessions pathologiques jusqu’au drame, est absolument ravissante ; en effet, on ne peut s’empêcher de ressentir beaucoup de tendresse pour cette fille (admirablement bien joué par une Aimée Ffion Edwards, inconnue galloise mais extraordinairement éblouissante dans son rôle) qui tente par tous les moyens de se raccrocher à ses illusions, dans l’espoir pitoyable d’échapper à une condition trop dure. Et c’est ça la force de la série : réussir à nous faire partager, à nous émouvoir devant cette folie.
Soyons direct, l’ouverture de l’épisode est une merveille et donne le ton d’entrée. C’est un choc et on se prend une vraie claque dans la figure ! Tout y est magique, successions de plans bien cadrée, allant à l’essentiel et dont les associations glissent peu à peu les propos vers quelque chose de bizarre, voire malsain, tout en gardant une esthétique magnifiée : le plan sur les étages répétitif du bloc HLM, le panorama sur le lever du jour et ces grues, le mur rempli de photos, ce cadrage avec la chevelure de Lucy en premier plan et la vue sur la fenêtre d’en face, l’espionnage et puis ce visage, ce plan serré sur Lucy, complètement extatique, au sourire qui fait peur, mélange de satisfaction, de lubricité, d’envie et de résolution, expressions incroyables, qui décuple la maturité attendue chez une adolescente. Mais Lucy est justement loin d’être une adolescente comme les autres.
Tandis que le romantisme de la chanson d’Aqualung (la chanson intense de la version française, débutant au piano et se terminant par des zebras de guitare et des cris lyriques, rend la scène encore plus saisissante) se superpose parfaitement avec l’ambiguïté des sentiments de Lucy, on découvre avec horreur et effarement que celle-ci passe son temps à espionner Maxxie, dont elle est visiblement folle amoureuse. Des photos de lui sont étalés sur tous les pans de la mur de sa chambre, elle possède un carnet où elle note toutes ses activités à l’heure près, un appareil photo avec téléobjectif traîne sur son bureau et un frisson parcoure le dos. On comprend désormais qui était à l’origine des flashs que surprenait Maxxie dans l’épisode précédent. Et que dire du plan suivant avec ce premier plan sur les yeux fixées vers Maxxie et ce reflet sur le miroir montrant la jeune fille plaquer ses seins sous une bande de manière à les aplatir ? Le geste est fait sans y réfléchir avec obstination comme si elle s’obligeait à une telle résolution.

Cette scène fait entrer de plein pied Skins dans un autre univers, beaucoup plus glauque, beaucoup plus noir et plus crue que celui trash et glamour qu’on a bien voulu lui attribuer. La scène de l’habillement est une constante dans la série car elle est le signe fort de la construction de la personnalité de l’adolescent. La façon dont il s’habille est la preuve son expression. Ici, avec Lucy, fini les nanas égocentriques et fashion victime, sans aucun tabou et avec une violence inouïe, on nous montre une fille dévastée par ses démons et détestant cordialement son corps, au point de le renier. La réalité dépeinte ici sera froide, scandaleuse et pertinemment cynique. Pas de strass, pas de paillettes, rien de tout ça, mais juste une réalité sans déformation avec tout ce qu’elle possède d’absurdité et de sincérité, à l’instar de cette mère impotente, obligé de communiquer via un interphone pour bébé et de chier devant sa propre fille car incapable de se déplacer. Face à ce quotidien pas très réjouissant, face à cette vérité probablement trop dure à supporter pour une jeune fille, Lucy va alors se fabriquer un monde chimérique, un rêve complètement fantasmé où elle vivrait un amour sans heurt avec Maxxie, imagée par cet extrait de chanson d’amour irréelle, sous projecteur scintillant, tandis qu’elle torche le cul de sa mère.

Mais en vérité, c’est Michelle qui embrasse Maxxie, puisque en dehors de la tête de Lucy mais à l’école, nous sommes à la répétition d’une comédie musicale, où le professeur Bruce engueule ses élèves et tente par tous les moyens de leur faire passer un message aussi improbable qu’emphatique. La pièce qui doit être joué, irrésistiblement fantasque et décalée, est sensée raconter une romance sur fond d’explosions des Twins Towers et d’attentat terroriste. Tous les élèves sont invités à y participer, de Sid et Chris qui aide au décors, de Jal qui joue dans l’orchestre, même Tony qui regarde béatement sans trop comprendre et enfin Lucy qui doit s’occuper de la technique et qui en profite pour jalouser férocement Michelle, au point de manquer la faire écrabouiller en laissant tomber un des projecteurs.
Il y a un parallèle assez truculent entre la vision truquée et fantasmée de Lucy et cette comédie musicale aussi improbable qu’idiote. Au-delà de se moquer de la sensiblerie américaine et de parodier leur patriotisme (seule une série anglaise pouvait se permettre cela), on peut remarquer qu’il y a là une sorte de refus de se confronter à la dureté des choses. De même pour Lucy, obligée de s’inventer des histoires, de mentir à sa mère en prétendant que Maxxie et son petit copain, de transgresser toutes règles pour se fabriquer un bonheur, afin de fuir un peu sa mère et son quotidien d’assistante pour personnes infirmes. Tout du long, on surfera sur une sorte de vague improbable, décalée, sans jamais savoir s’il faut en rire ou en pleurer. On est sur la corde raide. L’adolescence, c’est un peu ça, jongler avec les humeurs, sans pouvoir se résoudre à en choisir une et s’y tenir.

Le monde créé par Lucy sera entièrement faux et en dehors des choses, et surtout se heurtera sans arrêt au réel, par exemple lorsqu’elle surprendra une discussion entre Maxxie et ses potes s’exaspérant d’être harcelé par une fan qui lui laisse des cadeaux, lorsqu’elle se verra refuser le premier rôle de la pièce sous prétexte qu’elle n’est pas assez belle ou lorsqu’elle aura l’occasion pour la première fois d’adresser la parole à Maxxie, lui demandant si elle célibataire, avant de se rendre compte qu’il ne s’agit que de la caser avec Anwar. Les déceptions sont rudes et on compatit pour cette fille, courant se réfugier dans un débarras. Rejointe par Michelle et Tony, elle retrouvera Michelle toute seule, déçue de voir qu’elle ne provoque plus autant d’effet sur Tony qu’avant son accident (il y a un lien entre l’impuissance à bander pour Tony et son incapacité à ressentir la moindre chose pour son bien aimée), et lui tiendra alors un discours stupéfiant. « A croire qu’ils aiment tous nous humilier, les mecs font toujours ça ». C’est la rancœur qui habite le cœur de Lucy. Elle est en colère car elle sait que la réalité aura bien du mal à répondre à ses souhaits. En fait, elle n’a jamais voulu y adhérer, elle refuse de s’y inscrire, et plus que tout, elle a une frousse de devenir adulte et de devoir assumer ça : la connerie des gens, la concupiscence d’Anwar ou les pelotages lubriques de Bruce sur les fesses des jeunes adolescentes comme Michelle. On comprend dès lors que Lucy fait tout pour ne pas s’assumer en tant qu’adolescente : elle s’habille comme un garçon, avec chemise à carreau et bretelle, elle réduit sa poitrine avec un bandage étouffant et elle réduit sa touche féminine à une coiffure démodée, raie sur le côté, mèche tombante et barrette pour les cheveux, de plus, elle sera amoureuse d'un homosexuel, le seul garçon à ne pas pouvoir la satisfaire, reculant ainsi l'échéance d'une vraie histoire, peut-être plus moche, mais plus authentique. Lucy ne veut pas grandir. Dans le sens où elle va tout faire pour ne pas qu’elle le fasse dans le vrai monde, celui qui est pourri.

Au lieu de ça, elle préfère s’inventer un rêve. Elle dira à Michelle : « Oui mais tu te souviens de la première fois où vous vous êtes embrassés ? de cet instant magique qui a transformé ta vie ? ». Lucy est persuadée que c’est l’amour chevaleresque qui va la sauver de son quotidien. Et pour y parvenir, Lucy, prête à tout, s’en donnera les moyens coûte que coûte. C’est sur ce point qu’on touche à la folie. Car d’ordinaire bafoué, le rêve d’un futur plus agréable va ici être recherché, quite à se voiler la face et à se complaire dans la psychose. Le témoignage en est bouleversant.
S’en suit alors une des plus meilleures scènes de l’épisode, incroyablement saisissante et poignante. Alors que Lucy pénètre par effraction dans la chambre de Maxxie, de retour de sa soirée, la voici qui transforme son aventure en véritable passage érotique. De retour avec la musique d’Aqualung, on suit une Lucy, suffocante et lâchant des soupirs de plaisir à chaque fois qu’elle découvre un objet à lui, ses posters ou son armoire. Toucher son lecteur CD devient une caresse et humer une chemise à lui, un jeu sensuel. L’érotisme détournée est plus que latent, et la projection que fait Lucy va monter crescendo jusqu’au bout du vice : la voici désormais revêtue de la chemise de Maxxie, allongée sur son lit et vue de dessus, pour une improbable séance de masturbation dans ses draps, instants de velouté et de frissons psychotiques époustouflant.
Plaisir solitaire malheureusement interrompu par l’arrivée de Maxxie, obligeant Lucy à se cacher sous le lit pendant la nuit. En fin de compte, cet imbriglio va se convertir en chance inouïe pour elle, accomplissant ainsi ses souhaits de se rapprocher au plus près de l’homme qu’elle convoite : elle pourra s’endormir avec le souvenir de l’avoir vu se déshabiller et assistera à sa séance matinale aux premières loges. L’extrait noir et obscur des Black Rebel Motorcycle Club (il faudra rendre un jour hommage à la superbe BO qui accompagne chaque épisode de Skins) se conjugue parfaitement à l’espèce de réjouissance qu’observe Lucy lorsqu’elle cite en devinant les étapes du réveil de Maxxie, avec un taux d’exactitude qui fait froid dans le dos.

La folie de Lucy est une réalité et elle est encore plus réelle que lorsque sa mère lui dit qu'elle est "une gentille fille". Car Lucy, lorsqu’elle quitte son rêve avec Maxxie, retrouve alors sa mère, qu’elle surprend par terre, incapable de se lever et qui demande si elle s’est pissée dessus. Lucy l’aide, l’installe dans son lit, la change et lui donne des médicaments, avec tendresse et soin, veillant à ne pas dépasser les prescriptions du médecin. Mais cette fonction va générer de l’injustice chez elle. « Il en a de la chance Maxxie de t’avoir », lâchera sa mère, complètement crédule. Ce décalage avec la vérité sera si insupportable pour Lucy qu’elle prendra les dispositions les plus radicales.
« Maman, il faut que je te parle d’un truc » : alors qu’on s’attend à ce qu’elle avoue à sa mère avoir menti, la voici qui va encore plus loin, inventant mensonge sur mensonge, persistant dans sa mythomanie maladive. Au cours d’une scène où elle est bluffante de persuasion, elle va monter un bobard auprès du proviseur du lycée, et en compagnie de sa mère, témoigner d’une agression sexuelle par Bruce, le directeur de la comédie musicale. Elle raconte tout, avec détail et « il ne m’a pas obligé à faire des trucs ou à regarder son machin. Il a dit qu’il adorait ça parce que j’avais des petits seins. Que je pouvais être un garçon ». C’est crue, c’est grossier et c’est surtout horrible car faux. Les tremolos dans la voix, le vocabulaire pudique employé, la culpabilité savamment glissée de temps à autre, rendent la performance d’autant plus forte qu’elle mime un mensonge aggravé.
Celui-ci va conduire le professeur de théâtre à être arrêté par les forces de l’ordre pour harcèlement sur mineur. Lucy va alors contempler son exploit du haut d’un couloir, regardant son méfait au-delà d’une fenêtre grillagée. Lucy vit dans son monde, qui est représenté ici comme une prison, une coupure de la réalité extérieure. Mais dans son monde, Lucy est satisfaite, ne ressent aucun remord, aucune culpabilité, et savoure. Il suffit de constater le regard qu’elle lance alors face caméra : il est tout simplement extraordinaire d’ambiguïté !

Mais finalement, est-elle si folle que ça ? N’est-ce pas la dureté du monde qui est fou ? Car tout au long de l’épisode, on ne cesse de montrer en arrière fond, une certaine violence omniprésente. Que le thème de la comédie musicale soit les attentats du 11 septembre n’est peut-être pas si étonnant que ça. On le rappelle le quotidien de Lucy, ce sont ces barres HLM, dont les vues d’ensemble s’attardent beaucoup, cet empilement d’appartements, de lieux de vie comme des cages, où se jouent des milliers de drames, dans l’indifférence générale, comme l’impotence de sa mère, dont seule s’occupe Lucy. Et là où l’horreur est sans doute la plus vive, ce n’est pas dans ce témoignage truqué visant à évincer le professeur de théâtre, mais dans le fait que ce type d’histoire peut réellement arriver et qu’elle arrive d’ailleurs fréquemment, avec ces relents de pédophilie sous-jacent.
Et l’adolescence, en fin de compte, c’est ça : se confronter à cette réalité abjecte et injuste. La reconnaître et y trouver sa place. Y inclure sa personnalité, assumer l’absurdité et avancer cahin-caha. Seulement, Lucy refusera obstinément d’accepter la dureté de ce monde. Elle finira par l’éviter, l’occulter et y préférer largement des fantasmes montés de toute pièce. Ses réactions seront sans cesse surprenante et à contre-courant. C’est sans doute cela qui fait la force de cet épisode, cette persistance à vouloir s’enfoncer dans sa folie. Alors qu’à chaque fois qu’on se dit que Lucy va trop loin, elle rebondit sur un acte encore plus radical et pervers. De loin, cet épisode enchaînera les passages cultes, le plaçant à part dans la liste des centrics de la série, de par sa noirceur et surtout son pessimisme.

La vérité sera cruellement renvoyée à la figure de Lucy. Celle-ci va alors prendre des décisions radicales. Tout obstacle à la réalisation de son rêve devra être écarté. L’adolescence, c’est assumer ses déceptions. C’est relativiser. Cet apprentissage n’est pas si facile et c’est pour cela que durant cette période, on voit les jeunes pleurer aussi bien pour une séparation futile que pour le décès d’un proche, pour une mauvaise note que pour une engueulade avec son meilleur ami. On est sur la corde raide, on tangue, parfois on tombe, mais on avance. Lucy refusera de faire tout cela. Pour elle, c’est trop dur, car ce serait alors reconnaître que si elle a passé son enfance à s’occuper de sa mère (elle le lui criera au visage : « je n’ai jamais été élevée ») pour rien, sans signification, sans récompense, alors tout ceci serait cruel. L’adolescence, c’est découvrir finalement que l’honnêteté ne paie pas. Jouer les infirmières pour sa mère, avec l’absence totale d’un père pour aider, ce n’est pas la condition pour avoir le droit au bonheur par la suite. Ce n’est pas comme ça que les choses marchent (et on note au passage la philosophie de la série et sa position par rapport à la morale, thème traité avec une grande discrétion mais bien présent).
Pour la petite Lucy, cette évidence sera insupportable. La confrontation avec sa mère cristallisera toute cette frustration avec une intensité incroyable. Sa mère a découvert que sa fille n’avait cessé de mentir, avertie par Maxxie lui-même, ce dernier ayant retrouvé dans sa chambre une barrette à cheveu appartenant à Lucy et ayant alors voulu avoir des explications. Lucy la traite de tous les noms, révèle son vraie visage, celui d’une furie, agressive et sans pitié, insultant sa pauvre mère de traînée, de sale infirme, et allant jusqu’à l’attacher à son propre lit. Les actes sont radicaux et témoignent de l’absence de limite que s’est fixée la jeune fille. Cette extrémité laisse pantois.

Lucy va alors se réfugier à nouveau dans ses chimères, souhaitant à tout prix jouer dans la pièce au cours de la représentation en public et surtout donner la réplique à Maxxie, espérant ainsi pouvoir lui montrer qu’elle ne fait que l’aimer. Piquant la place à Michelle, à qui elle a refilé les médicaments de sa mère qu’elle a fait passer pour des calmants contre le trac, ce qui a eu pour effet de déclencher des vomissements, elle va ainsi pouvoir reprendre le rôle principal et se jeter à corps perdu dans un univers nouveau, parfait, sans ombrage, irréel et merveilleux. C’est là qu’au cours d’une comédie musicale abracadabrantesque (mise en abîme parfaite et saugrenue du monde chimérique de Lucy), où les hommes d’affaires new-yorkais poussent la chansonnette et où des hommes-burger assurent le show, la petite Lucy va pouvoir complètement s’épanouir. Revêtue d’un costume d’homme et maquillée, bien coiffée, elle montrera qu’elle peut être éclatante, et fera preuve d’un talent pour la danse et le chant qu’on ne lui soupçonnait pas. Mais ce qui est fulgurant, c’est surtout le sourire apparue enfin sur son visage, qui s’illumine et se sublime par le bonheur qu’elle a d’être en compagnie de Maxxie. Même en coulisse, avant la scène finale, elle finira par avouer à Maxxie ses projets : « tu crois au pouvoir de la magie ? quand on s’embrassera… quand on s’embrassera… »
En retour, elle ne récoltera que l’aprêté de la réalité : « je suis gay ! » lui hurlera Maxxie. Mais alors qu’on pensait naïvement que Lucy ne s’était jamais rendu compte de ça, elle prouvera le contraire, argumentant même que cela ne lui pose pas de problème et qu’il existe des solutions, comme si l’amour suffisait à contourner toutes les contradictions. Les paroles suivantes, prononcées par Lucy, sont alors tout bonnement hallucinantes : « Regarde-moi, je suis presque un garçon. Tu pourrais m’aimer », discours fantasque et à l’opposée de la réalité. Maxxie est effaré, dégoûté par ce déni : « tu es complètement siphonnée ». Mais juste à ce moment-là, surgit l’homme-burger, sensé représenté l’Amérique dans toute sa splendeur, qui monte sur scène et hurler un boogie-woogie enflammé, et on se demande qui est vraiment siphonnée : Lucy ou bien la société de consommation dans lequel on vit ?
L’ardeur de Lucy dans sa complainte serre la gorge, elle y met toute sa force pour essayer de se faire comprendre, pour ajuster sa réalité avec celle de Maxxie, pour rendre vivant et tangible son désir d’amour absolu et improbable. Elle prend alors la main de Maxxie et la plaque sur sa poitrine écrasée : « Touche, je suis presque un mec. Tu sens mon cœur qui bat la chamade ? C’est parce qu’à la fin de la pièce, tu m’auras embrassée. Quand tu m’auras embrassée, tout changera. Tu vois pas que je t’aime ? »

Comme un signe avant coureur, le crash des avions et l’explosion des immeubles dont on n’entend que les bruits des coulisses, semblent annoncer à Lucy que la réalité est brutale. Car après un dernier chant merveilleux, au milieu des décombres, une chanson hilarante au début de l’épisode mais désormais poignante et tristement lyrique (« Once I was only a banker, I dreamt about downjones, I didn’t see my credit was running out » ce à quoi réplique « I was always smiling at the morning but you never saw me, you were too busy », avant la réconciliation « then in a day Oussama blews us away and now you know how I feel »), et une conclusion en happy end, où le baiser se poursuit comme dans un rêve, avec cette caméra qui s’enfuit vers le haut, comme tant tout bon film américain, Maxxie susurre alors à l’oreille de Lucy : « rien, ça ne m’a rien fait ». Il suffit alors de voir le visage déconfit de Lucy pour comprendre que tout à coup, son rêve, son rêve qu’elle avait fabriqué de toute pièce, au prix de multiples sacrifices, se brise en mille morceaux.
Devant un public abasourdi, elle se met alors à le gifler et à gueuler : « non ! non ! ça ne va pas se passer comme ça ! ah ça non ! ». Maxxie se met à l’insulter et à la traiter de folle, la laissant toute seule sur scène, sous le projecteur, en train de pleurer, humiliée, incomprise et abandonnée.

La rage sera immense : on retrouve Lucy dans sa chambre tout détruire et tout saccager, déchirant toutes les photos de Maxxie, avant de s’effondrer en larme, au cours d’une scène bouleversante (avec Cat Power en BO). Alors Lucy va accepter son sort : elle détache sa mère, enlève son bandage et met une belle robe noire, la symbolique est forte, elle redevient une femme, retrouve des formes et s’assume dans sa féminité. C’est cela le passage vers l’âge adulte et tout le dilemme de l’adolescent : accepter son corps.
Seulement, tout n’est pas aussi simple, car alors que Lucy va réveiller Anwar et lui proposer de montrer dans sa chambre en cachette pour faire l’amour avec lui, jurant qu’elle n’a jamais été amoureuse de Maxxie, alors qu’on pense qu’elle a tournée la page, voilà qu’en fait, elle fait l’amour avec lui tout en admirant une photo de Maxxie posée sur la table de chevet.
La fin de l’épisode est cruelle mais aussi superbement forte. Elle montre que beaucoup d’adolescents acceptent parfois de grandir avec résignation. Ce qui peut conduire à des actes dangereux. Ici, Lucy accepte de se faire dépuceler, au cours d’une scène mi-comique, mi-tragique, où Anwar s’y prend comme un minable, sans aucune tendresse, ni empathie, et où Lucy semble s’en moquer, le regard dans le vide, ne ressentant aucune jouissance, mais subissant les secousses de son partenaire inexpérimenté, acte sexuel sans saveur, et bien triste
.

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je vous ai déjà contacté au sujet de votre blog sur le mouvement shoegaze pour vous faire découvrir Paperblog. Si le concept vous intéresse, je vous invite à nous proposer non seulement ce premier blog mais également celui-ci, que je trouve particulièrement intéressant.
    N'hésitez pas à me contacter sur mon adresse mail (audrey@paperblog.com) si vous avez des questions ou des remarques.

    Bien cordialement,

    Audrey

    RépondreSupprimer
  2. j'adore ton article. tu as trop bien résumé et transmis l'épisode dans toute sa symoblique.
    par contre j'ai une question. tu es sure que c'est un morceau d'aqualung que l'on entend a plusieurs reprises durant l'épisode, notamment durant la scène dans le lit de Maxxie et a la fin avec Anwar ?
    j'ai cherché partout la soundlist, il y a bien un morceau d'aqualung dessus, Good Times Gonna Come
    mais ce n'est pas le bon morceau.
    tu peux m'aider à le retrouver ?
    merci
    roucker

    RépondreSupprimer